J’ai eu l’occasion d’avoir hier soir un échange très intéressant avec la psychologue qui me suit (et oui, on ne peut prétendre être psy sans avoir été soi-même un peu analysé !). Nous avons parlé de ma fratrie et plus particulièrement des relations que j’ai avec ma soeur. Je lui ai expliqué qu’elle et moi étions terriblement différentes, et que j’avais toujours eu l’impression que ma sœur était incapable de m’accepter pour ce que j’étais, avec ma sensibilité à fleur de peau, mes doutes, mes remises en question. Elle interprète ces traits de caractère comme une preuve de faiblesse et de fragilité et part du principe que « quand on veut on peut ». Sa vision des choses est particulièrement manichéenne. Elle ne peut entendre mes émotions et mes questions existentielles, elle y est totalement hermétique, sans doute aussi parce que cela pourrait ouvrir une brèche en elle et que, par peur des conséquences, elle se l’interdit. Résultat des courses, nos échanges sont toujours très superficiels et je pense que l’une comme l’autre, nous jouons un rôle l’une avec l’autre.
Ces différences, et j’ai envie de dire également son intolérance, nous ont séparées au fil du temps. Je ne souffre pas particulièrement de notre absence de relation, j’y suis habituée et m’y suis faite. Par contre, il semble évident que nous aurions sans doute beaucoup à apprendre l’une de l’autre, si nous étions capables d’échanger avec bienveillance et respect.
Elle a choisi un chemin de vie tout tracé et très « classique ». Elle s’est mariée et a eu trois enfants. Elle a toujours dit qu’elle se marierait à 25 ans et aurait son premier enfant à 28 ans, ce qu’elle a fait. Elle ne déroge pas à ses principes de vie, c’est un peu un bulldozer (l’image n’est pas très flatteuse mais parlante). Elle a des opinions assez fermées sur de nombreux sujets : une vie sans enfant n’a pas vraiment de sens ; il faut savoir ne pas s’apitoyer et ne regarder que les choses positives ; tous ceux qui ne voient pas les choses de la même manière qu’elle sont des extra-terrestres. Son chemin de vie, c’est une autoroute. Je gagnerais sans doute beaucoup à m’en inspirer, moi qui préfère toujours choisir des chemins tortueux avec des cailloux et des crevasses. J’envie sincèrement sa joie de vivre (feinte ou pas, peu importe, c’est ce qu’elle dégage et ce qu’elle cultive), et le fait qu’elle ne se pose jamais aucune question. Elle avance, point barre. Et moi, je trébuche, point à la ligne.
Mais choisir un chemin de traverse, éloigné de l’A4, n’est-ce-pas une façon aussi de s’approprier la vie ? De se RÉapproprier SA vie ? N’est-ce-pas une façon de mieux s’y retrouver et s’y reconnaître ? Et de mieux se connaître soi-même ? Se casser la figure à cause d’un caillou, ça n’est pas forcément très agréable, mais ça nous apprend à regarder où l’on marche. Et se perdre en cours de route n’est pas une perte de temps, cela équivaut souvent à se retrouver soi-même.
Je ne peux m’empêcher de penser qu’avoir trop de certitudes est le meilleur moyen pour tomber de très très haut. Que se passerait-il si un jour son mari venait à la quitter ou à la tromper ? Que se passera-t-il le jour où ses enfants, crise d’adolescence oblige, s’opposeront à ses croyances ? Car sur une autoroute, les jours de tempête, ça secoue aussi pas mal. On adapte sa vitesse, on se met sur le bas-côté ou on continue à foncer droit devant soi ?
Et concernant tous ceux qui sont en permanence en train de se poser 10 000 questions, qui ruminent en vase clos avec eux-mêmes, et qui systématiquement prennent un chemin qui les ramène à la case départ, n’y aurait-il pas une forme de complaisance derrière tout cela ? (Attention, je ne parle pas ici des dépressifs, qui souffrent d’une maladie sur laquelle ils n’ont pas ou peu d’emprise). Mais avoir un système de pensée très torturé, cela fait partie de son identité, et remettre cela en question, c’est risquer de perdre gros. Se recréer une identité à 30, 40 ou 50 ans, arriver à se percevoir autrement, à revoir son système de pensée, c’est un sacré challenge.
Vous le comprendrez, cet article pose beaucoup de questions sans forcément apporter les réponses ! J’ai trouvé le sujet intéressant et voulais le partager avec vous.
Je terminerai sur cette citation de Louis de Grenade, que je trouve fort à propos : « Les uns croient que les autres se trompent de chemin s’ils ne suivent pas le leur.». Comme toujours, il n’y a pas de « bon » ou de « mauvais » chemin, il n’y a que des chemins de vie.
Prenez le temps de vous connaître vous-même pour être sûr de suivre le vôtre.
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