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30 mars 2013 6 30 /03 /mars /2013 12:58

Cours de psychologie clinique (le dernier d'une journée bien remplie). L'amphi est bondé. Devant moi, une fille qui ne s'est pas lavée depuis 3 semaines, derrière moi, une autre congénère qui N'ARRETE PAS  de papoter. J'essaye de me concentrer sur ce que dit notre cher professeur, mais entre l'odeur nauséabonde et le bavardage incessant, j'ai du mal. Beaucoup de mal. Je voudrais dire à la fille de derrière de se taire, mais je n’ose pas. D’autant qu’elle semble assez vindicative :


« Non mais c’est ouf quoi, attends, moi je me suis grave énervée, le mec, il peut pas me parler comme ça ! Hein ? Il a dit quoi le prof ? Ah ouais. Pffff j’comprends que dalle. Donc j’te disais blablablablaa. »


Et je ne peux pas dire à la fille de devant d’aller prendre une douche. Je suis coincée.


Depuis le début d’après-midi, je suis barbouillée, j’ai envie de vomir, la tête qui tourne. Je ne dors pas bien depuis plusieurs nuits, mon corps serait-il en train de me lâcher ? Serait-ce le signe annonciateur d’un « meltdown » ?

J’ai envie de me taper la tête contre mon clavier d'ordinateur. Ou de mettre un coup de boule à Melle Blabla, au choix. Je contiens sagement toutes mes pulsions violentes. (« Pense à ce qui t’arriverait si tu faisais ça ! Pas de scandale, pas de vagues, maîtrise-toi ! »)

 

- Se maîtriser, se contenir, pour passer inaperçue. Ne pas attirer l’attention. Ne pas faire de vagues. Ne pas éveiller les soupçons. Rester assise bien calmement.-

 

Je suis, encore à 28 ans, une petite fille sage qui fait tout pour que son secret ne soit pas découvert. L’illusion est parfaite. Manque plus que les couettes.

 

Le cours se termine, je roule vers le centre afin d'aller acheter un oeuf de Pâques pour mes parents. Tradition oblige.

J'ai un mal de crâne lancinant.

La chocolaterie est pleine à craquer. Les lumières m’agressent. Dieu que les gens sont lents. On dirait presque qu’ils prennent leur temps pour faire durer le plaisir d’être là, à choisir un œuf de Pâques. Pour moi, c’est un calvaire. Mon corps n'est pas loin de m'abandonner.

 

- S’appuyer mollement contre un mur et attendre son tour, les yeux dans le vide. S’enfermer dans sa bulle. Tenir bon. -

 

Mon tour arrive. Je lance d’une traite « Une poule en chocolat noir, garnie, taille 1, à 30 euros s’il-vous-plaît »

 

- Se redresser. Regarder à hauteur des yeux. Sourire. Donner le maximum d’informations dès le début, pour éviter le jeu des questions-réponses. Tenir bon.-

 

« Merci Madame ». Je repars. Je passe chez mes parents pour récupérer mon chien qui était en garde chez eux. Ma mère a envie de parler. Pas moi.

 

- Faire bonne figure. Discuter un peu.-

 

Je rentre chez moi, tenant mon chien en laisse d’un côté, portant mes courses de l’autre. Je me traîne, je suis épuisée. Je croise un chien qui n’est pas tenu en laisse. Il fonce droit sur nous, je fais barrage pour éviter que mon Popeye n’essaye de le mordre. Le maître me lance un : « Ne vous inquiétez pas Mademoiselle, il n'est pas dangereux » ARRRRGH

capitaine Illustration de mon Moi, de mon Ca, de mon Surmoi, de mon Toitoimontoit ainsi que de mon conscient, préconscient, surconscient, après conscient et multiconscient à cet instant précis

 

C’est mon chien le problème, pas le tien !!! Il fait 2 kgs, il a peur des chiens qui en font 20 et qui lui foncent dessus, ça le rend agressif! Et si le tien était tenu en laisse je n’aurais pas besoin d’avoir à brandir mon œuf de Pâques pour le tenir à distance, Tonnerre de Brest!

 

- Répondre poliment « C’est le mien qui pose problème ». Ne pas s’énerver. Et passer son chemin.-

 

Enfin chez moi. Home sweet home. J’ai envie de pleurer, j’ai envie de crier, j’ai envie de me rouler en boule dans un coin et d’y rester une semaine entière.

 

- Ne pas craquer. Allumer son ordinateur. Ecrire. Penser aux autres, à tous les autres, à tous ceux qui galèrent comme moi et qui se sentiront moins seuls à la lecture de cet article.

Garder espoir. Rester positive.-


Car demain, une autre journée typique attend la petite fille atypique sans couettes.


 

Adampop---why-so-serious.jpg

 Adampop - "Why so serious" - Flickr

 


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commentaires

P
Plus de trois ans après : merci pour ce billet, je vais de ce pas lire les autres !
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E
"se maîtriser, se contenir, pour passer inaperçue. Ne pas attirer l’attention. Ne pas faire de vagues. Ne pas éveiller les soupçons. Rester assise bien calmement"..."envie de pleurer, j’ai envie de crier, j’ai envie de me rouler en boule dans un coin et d’y rester une semaine entière".<br /> :'(<br /> Pourquoi on est comme ça?<br /> Pourquoi c'est à 33 ans 3/4 que j'ai accepté?<br /> Tu as raison, ça fait du ben d'écrire.<br /> On m'a dit que j'avais une douance pour l'écriture (concernant mon blog).<br /> Et au delà, je me dis régulièrement que ça fait du bien aux autres, qu'on écrive.
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R
Rien que la lecture de cet article c'est dur pour moi : je revis ce genre de situations et je me tends... (d'autant que j'ai lu avant - et donc revécu - l'article sur les injustices)... AAAAAAAAAAAAAAAAhhh !<br /> Désolée si je m'emporte... au final ça fait quand même du bien de se sentir moins seule :)
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M
Salut Pépette,<br /> Je voulais te dire que je connais bien ce que tu vis. Après m'être contenue sans arrêt pendant justement 28ans, j'ai littéralement craqué (dépression tralala) mais ayant refusé la médication pour trouver l'absolution ailleurs, j'ai réussi à dépasser la Peur (avec le yoga, la psy, la kinésio, la para psy et une bonne dose de y'en a carrément marre). La Peur, on pense que c'est celle de l'autre, tu as eu peur de dire à la demoiselle qui bavardait que ça te dérangeait parce que tu as eu peur des conséquences. Mais as tu vraiment eu peur que la demoiselle te rembarre ou as tu eu peur qu'excédée comme tu l'étais, tu ne l'agresse et qu'elle réagisse de façon finalement légitime en te rembarrant?<br /> Même situation à quelques détails près, avant d'arriver au craquage, biiiien avant, si tu arrives à te dire "ok si ça continue ça va m'énerver. je dois donc faire quelque chose, et c'est mieux si je le fais AVANT d'être vraiment énervée." résultat, sourire et "excusez moi mademoiselle, est ce que vous pourriez parler un peu moins fort? j'ai du mal à écouter! merci!" sourire. je te jure que ça marche. super bien même. et toi tu as évité de te monter les nerfs en pelotte et de SUBIR.<br /> on ne subit que ce qu'on veut bien subir après tout...<br /> bon courage à toi et libères toi :)
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Z
Ah oui, les fameux monsieur / madame &quot;je prends mon temps parce que je me croit seul au monde&quot;, je croit que ça doit faire partie de mon top 10 des comportements qui m'insuportent le plus ! J'ai horreur de faire la queue et d'attendre coincée au milieu de tout un tas de monde (parfois bruyant qui plus est) de pouvoir ENFIN me payer ne serait-ce qu'un pain au chocolat (un peu de douceur et de réconfort dans ce monde de brutes). D'ailleurs, j'évite les magasins les jours de soldes (alors que les rares amies que j'ai me disent &quot;allezzz viens c'est génial les soldes !!&quot; = NON, c'est l'horreur, y'a la queue à toutes les caisses et toutes cabines d'essayage, et généralement quand je vois ça, si elle ont réussit je ne sais comment à m'y trainer contre ma volonté profonde, je lâche tout ce que j'ai dans les mains et je fuis à toute jambes chercher un endroit ou je puisse respirer enfin un peu d'air &quot;pur&quot;) et je déteste faire mes courses dans les grandes surfaces. Ma bulle à moi c'est la musique, je la traine partout ou je vais, et quand je me sens défaillir (d'ailleurs dieu merci je n'habite pas à paris, je n'ai pas à prendre le métro une heure de pointe) je me focalise dessus et j'essaie de respirer calmement. Dans les transports en communs je me colle toujours près d'une porte de sortie, pas question de me retrouvée coincée comme une sardine sans pouvoir m'évader de cet enfer.
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Présentation

  • : Le blog de emoiemoietmoi
  • : émoi émoi et moi... Le blog porte bien son nom! Il est avant tout centré sur...moi, ma petite vie, mes coups de gueule, mes envies. J'essaye d'apporter un certain éclairage sur le syndrome d'Asperger trop méconnu en France. Avec humour, toujours. // Ce blog est protégé par les droits d'auteur. Toute reproduction, diffusion, publication partielle ou totale est interdite sans l'autorisation écrite de l'auteur.

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