Rencontre avec ma voisine ce jour sur le palier, alors que j'allais sortir mon chien Popeye :
Moi : - « Bonjour ! Comment allez-vous ?
Elle : - Bonjour ! Bien ! Et votre petit chien comment ça va ?
Moi : - Ca va bien !
Elle : - Il a hâte d’aller dehors !
Moi : - Ah oui, il a hâte d’aller dehors
Elle : - Il connaît le chemin !
Moi : - Ah oui ça, on peut dire qu’il connaît le chemin
Elle : - Bonne après-midi
Moi : - Bonne après-midi »
Voilà un parfait exemple de la manière dont je communique avec quelqu’un dans le cadre d’un échange bref quand je n’ai rien de particulier à dire : en écholalie ! Je répète instinctivement tout ce qui m’est dit, en agrémentant un peu de « ah » et « oui » pour apporter une touche personnelle. Et le pire, c’est que cette méthode du perroquet fonctionne à merveille : je me suis sentie gourde mais cette voisine, elle, n’y a vu que du feu.
Cette petite anecdote m’a fait réfléchir aux différentes stratégies de communication que je mets en place pour « survivre » dans notre monde social et je me suis dit qu’il y avait sans doute matière à écrire un article ! (voire même une encyclopédie en 4 tomes, en creusant un peu)
Si un inconnu entame une conversation informelle avec moi à un moment inattendu, je dois activer le mode « compréhension des échanges entre bipèdes ». Le temps de « rentrer » dans la conversation et de sortir de mon état de veille, je vais devoir lui demander plusieurs fois de répéter ses propos afin d’améliorer ma compréhension. Exemple vécu : Une étudiante de mon groupe de TD à la fac m'interpelle, alors que nous étions en train d'attendre devant la salle de classe :
Elle : - Tu es dispensée d’assiduité toi, non ?
Moi : - pardon ?
Elle : - tu es dispensée d’assiduité ?
Moi : - oui
Elle : - tu travailles ?
Moi : - pardon ?
Elle (sur un ton plus fort) : - tu travailles ?!
Moi : - oui
Et ainsi de suite. Evidemment je donne l’impression d’être sourde comme un pot (ou complètement stupide, au choix), ce qui est assez déstabilisant pour mon interlocuteur. Si la conversation se poursuit, je sais qu’il est attendu de moi que je devienne actrice de cet échange, au lieu de continuer à répondre passivement aux questions qui me sont posées. Je vais donc, le plus souvent, retourner les questions. Ce qui donne par exemple :
Moi : - et toi, tu travailles aussi ?
Au sein d’un groupe de plusieurs personnes, les choses se corsent encore plus. Je plante le décor : nous sommes au baptême de ma nièce, après la cérémonie religieuse, dans le jardin de ma soeur et mon beau-frère pour manger un morceau et boire une coupe de champagne. Il fait beau, les oiseaux chantent… MAIS il y a une trentaine de personnes autour de moi avec lesquelles je suis censée interagir. Là, ma stratégie est simple : étant donné que c’est une réunion familiale, je vais me greffer à mes parents et ne pas les décoller d’une semelle. J’ai pu remarquer que les groupes de discussion n’étaient en général pas composés de plus de 5 ou 6 personnes. Je vais donc être au sein d’un de ces groupes, en compagnie de mes parents, et hocher la tête, sourire bêtement, prendre un air intéressé, une coupe de champagne à la main (je ne bois pas mais je fais genre, ça me donne une contenance), en me balançant subtilement d’une jambe sur l’autre (une petite stéréotypie que je ne peux pas éviter dans ces circonstances, tant il est difficile et insécurisant pour moi d’être debout. Au moins en étant assise j’ai l’impression d’avoir mon périmètre de sécurité, tandis qu’en étant debout, les gens vont et viennent, tout semble beaucoup plus imprévisible) Ne me demandez pas de participer à la conversation, c’est impossible, tout va trop vite et j’ai à peine le temps de réfléchir à une réplique que tout ce petit monde est déjà passé à autre chose.
S’il ne s’agit pas d’une réunion familiale et que je suis assise, je vais tenter d’engager la conversation avec une personne à mes côtés. Si celle-ci est assez intéressante et qu’un véritable échange peut s’instaurer, je ne m’en sors pas trop mal. Par contre si l’échange est superficiel, très vite je suis à cours d’idées, et la conversation retombe comme un soufflé au fromage.
S’il ne s’agit pas d’une réunion familiale et qu’EN PLUS je dois être debout (au vin d’honneur du mariage d’une amie par exemple) alors là c’est l’horreur absolue. Qui aller voir ? Comment faire ? Quelle posture adopter ? C’est un cauchemar.
Pour les échanges de tous les jours, chez les commerçants, chez le médecin ou chez le coiffeur par exemple, je me débrouille bien, car j’ai un script enregistré en tête depuis longtemps. Mais quand j’étais plus jeune, c’était la croix et la bannière. J’imaginais avant d’y aller tous les scénarios possibles pour me préparer mentalement (et si le boulanger n’a plus de monnaie ? Et si je n’arrive pas à faire l’appoint ? Et s’il n’a plus de baguette ? Et si une météorite rose fluo s’abat sur nous ?).
J’ai par contre mis beaucoup de temps à comprendre une règle toute simple : quand on va chez le coiffeur, il faut discuter avec ledit coiffeur. Je me disais bêtement qu’il avait sans doute besoin d’être concentré pour faire son travail et qu’il ne fallait pas le déranger. A chacune de ses tentatives je répondais par onomatopée, pour couper court. Dans ma tête je me disais qu’il voulait sans doute être aimable, et qu’en ne lui donnant pas de grain à moudre, je lui faisais comprendre qu’il n’avait pas besoin d’être aimable avec moi. J’étais vraiment au niveau -10 de la compréhension des échanges humains. Le jour où j’ai compris qu’il fallait parler, que le coiffeur avait vraiment envie de papoter, pour le plaisir, que cela faisait partie de son travail, et que j’étais malpolie en ne lui offrant pas la possibilité de construire un échange avec moi, c’est un peu comme si j’avais découvert le fil à couper le beurre. Aujourd’hui, tant bien que mal, je discute, et j’ai conscience des sujets de conversation qui bien souvent « tombent » (la météo, les cancans, les nouvelles du JT notamment).
Enfin, last but not least, j’ai en tête un « stock » de réparties toutes prêtes (souvent humoristiques), que j’ai entendues autour de moi et qui peuvent dépanner et amener de la fluidité dans l’échange. Dès que j’entends une réplique qui me plaît, je la fais mienne et je la réutilise. Ca peut être une réplique entendue dans un film ou dans une série, que je vais éventuellement réadapter.
Je suis aussi capable d’un minimum de spontanéité, mais qui ne serait pas possible si je n’avais pas mis en place toutes ces stratégies qui offrent un « cadre » et qui sécurisent l’échange.
Avec des personnes qui me sont proches et avec lesquelles je me sens en confiance, je suis évidemment beaucoup plus naturelle que ce qui est décrit ici.
Avec les animaux je dirais que j'atteins le summum de la fluidité dans la communication. C'est le top of the pop, la crème de la crème. Tout est transparent et explicite. C'est parfaitement reposant.
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