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3 juin 2013 1 03 /06 /juin /2013 20:05

En janvier dernier j’ai été évaluée par le Centre de Ressources Autisme* de ma région pour confirmer (ou pas) le diagnostic du Dr Tuffreau dont je parle ici. Il était temps que je vous raconte tout ça!


J’ai passé différents tests : un test psychomoteur, un test d’intelligence (WAIS IV), l’ADOS (test spécifique à l’autisme), et un entretien avec un éducateur spécialisé pour évaluer mon degré d’autonomie dans différents domaines. J’ai été filmée pour le test psychomoteur et pour l’ADOS, après avoir donné mon autorisation.

Une remarque cependant : les tests varient d’un CRA à l’autre. Certains CRA font même passer le test de Rorschach. Mais si, mais si! Vous connaissez! Ce sont ces planches faites de tâches d’encre que l’on est censés interpréter.


« - Que voyez-vous ?

- Un papillon

- Et là ?

- Un papillon

- Et sur celle-ci ?

- Un papillon

- Hmmm. Vous êtes schizophrène. Ca fera 100 euros. Bonne journée, bisous. »

 

 rorschach.jpg

 

 

J’ai eu beaucoup de chance car dans ce CRA les personnes sont vraiment adorables, toutes sans exception, j’ai été très bien accueillie et mise en confiance dès le début.  

J’étais évidemment particulièrement stressée, surtout pour le test d’intelligence car j’avais vraiment peur de ne pas savoir répondre aux questions, de perdre mes moyens et d’obtenir un QI en dessous de la moyenne, ce qui n’aurait pas été très flatteur vous en conviendrez.

 

TEST D'INTELLIGENCE

 

 

La WAIS est constituée de quatre items évalués par différentes tâches dont vous trouverez des exemples entre parenthèses :


- Indice de compréhension verbale (définir des mots ; trouver le point commun entre deux mots ; répondre à des questions de culture générale)

- Indice de raisonnement perceptif (reconstituer des dessins avec des formes géométriques ; trouver l’élément parmi différentes propositions qui complète une série logique)

- Indice de mémoire de travail (répéter une liste de chiffres énoncés dans l’ordre puis sur de nouveaux items en ordre inversé)

- Indice de vitesse de traitement  (copier les symboles associés à des chiffres sur la feuille de réponse, le plus rapidement possible pendant un temps limité)

 

Mes résultats sont hétérogènes, entre les items et au sein même des items, ce qui ne permet pas de calculer un QI global, comme c’est le cas pour de nombreux aspies. Vous pourrez voir sur le graphique que j’ai obtenu à l’indice de raisonnement perceptif un score inférieur aux autres.

 

 QI-copie-1.jpg

Pardon c'est tout de traviole je l'ai mal scanné!

 

 

Lors du test j’ai eu l’impression d’avoir complètement raté les tâches de culture générale et de résolution de problèmes arithmétiques alors que j’obtiens finalement des résultats dans la moyenne. J’ai particulièrement bien réussi les épreuves évaluant la mémoire de travail (je suis capable de répéter dans l’ordre jusqu’à 9 chiffres, et à l’envers jusqu’à 8 chiffres, ce qui est très supérieur à la moyenne, mais j’ai un petit truc : je visualise les chiffres dans ma tête et je les manipule). Je suis également bien au-dessus de la moyenne pour l’indice de vitesse de traitement, ce qui ne m’a pas étonnée car j’ai toujours été très productive, je ne sais d’ailleurs pas faire autrement (je suis très « speed » par nature).  

Dans l’ensemble, je ne m’en sors donc pas si mal que ça ! Alleluia !

 

TEST PSYCHOMOTEUR

 

 

Au niveau psychomoteur, j’ai passé le test Lincoln – Oseretsky et la FCR-A. J’ai dû réaliser différentes tâches de motricité fine et motricité globale (marcher à reculons, rester en équilibre sur la pointe des pieds, mettre des pièces dans une boîte, enrouler du fil, découper des cercles etc). Il en ressort que j’ai des particularités notables dans plusieurs domaines, je recopie ce qui a été noté sur le compte-rendu :

 

«Sensibilité tactile : irritabilités tactiles probables, réagit émotionnellement au fait d’être touchée

Filtrage auditif : hautement parasitée par les bruits (même faibles) alentours ; défaut de modulation auditive, tendance à percevoir en « tout ou rien »

Sensibilité visuelle et auditive : regard happé par les déplacements alentours ; réagit émotionnellement aux bruits soudains» 

 

J’ai complètement raté les tâches de « motricité manuelle avec précision » et de « motricité manuelle avec vitesse d’exécution » : j’ai apparemment besoin d’une certaine lenteur pour assurer la précision de mon geste. Au niveau de l’organisation posturale je présente une « fatigabilité posturale invalidante ». Pour le dire plus simplement : j’ai du mal à tenir une posture dans le temps, par exemple quand je suis debout je vais avoir tendance à m'appuyer contre un mur. 

Il ressort aussi que j’ai des difficultés à m’orienter dans l’espace… ce qui n’est pas une surprise ! Mon GPS est mon meilleur ami, je suis INCAPABLE de m'orienter dans l'espace ou de lire un plan, j’aurais plus vite fait de faire voler un tapis marocain que de déchiffrer un plan. La psychomotricienne a d’ailleurs remarqué que je m’appuyais sur un repère corporel pour distinguer ma droite de ma gauche (je faisais apparemment un geste discret d’un bras à chaque question, ce dont je n’avais même pas conscience!)

 

ADOS 

 

 

L’ADOS est un entretien semi-directif mené par un(e) psychologue. La psychologue m’a posé des questions sur mon parcours, mes difficultés, mon entourage, mes passions etc. Ce fut le test le plus douloureux pour moi, car il a fallu me montrer telle que je suis et faire part de mes incapacités, alors que je travaille chaque jour à les cacher et les minimiser. J'ai passé les 3/4 du temps à sangloter misérablement et le 1/4 restant à me dire que j'étais vraiment une sous-merde (vous me passerez l'expression). Cela a été très éprouvant moralement. 

Elle a noté que j’utilisais des gestes descriptifs mais que les gestes empathiques ou émotionnels étaient moins présents. Les éléments cliniques les plus notables sont les suivants :

   

«- Difficultés à établir de façon innée des relations adaptées avec ses pairs

- Préoccupations circonscrites à un ou plusieurs centres d’intérêts spécifiques

- Adhésion apparemment inflexible à des habitudes ou à des rituels spécifiques et non fonctionnels

- Particularités qui entraînent une altération cliniquement significative du fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines importants

- Une conscience élevée des difficultés rencontrées et une capacité à les exprimer, les expliciter»

 

   

ENTRETIEN AVEC L'EDUCATEUR SPECIALISE 

 

L’entretien avec l’éducateur spécialisé se présente sous la même forme, avec des questions plus spécifiques : l’éducateur a cherché à savoir si et comment je payais mes factures, gérais mes comptes, mes courses, mon ménage, mes relations, mes rendez-vous médicaux etc. Heureusement je m'en sors plutôt bien! Ce n'est pas le point qui pose le plus de problèmes.

 

CONCLUSION 

 

 

Je copie-colle ci-dessous la conclusion générale du rapport du CRA :

 

conclusion-cra-copie-4.jpg

 

Voilà voilà, je suis officiellement autiste Asperger! J'ai été soulagée de constater que ma fatigue constante s'expliquait en fait parfaitement.

Avant le diagnostic j'avais une image de moi très négative, je me voyais comme une jeune femme faible et fragile qui galérait pour s'en sortir, aujourd'hui je me vois comme une autiste qui s'est battue toute sa vie et qui se bat encore, forte et volontaire. Depuis ce diagnostic je me sens LIBRE, je me sens comme ça :

 

 

 

                             I'm free! Tout pareil, les paillettes en moins
(je ne sais pas pour vous, mais moi je pleure à chaque fois que j'entends cette chanson)

 

 

Encore une fois, j'invite toutes celles (et ceux!) qui ont un doute à faire les démarches nécessaires pour obtenir un diagnostic, il est vital.

 

Et je précise pour les non-autistes et les non-initiés que mon handicap est invisible, ce qui signifie que malgré tous ces éléments cliniques criants vous ne pourriez rien soupçonner si votre route croisait la mienne. Tout au plus diriez-vous de moi que je suis bizarre, froide, hautaine ou pimbêche, mais jamais oh grand jamais vous ne pourriez deviner que je suis autiste.

On parie?

 

 

 

*Vous trouverez la liste des CRA et leurs coordonnées ici

 


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10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 18:30

Je suis intervenue récemment dans l’amphi de la fac de psycho auprès des étudiants de 3è année pour leur présenter le syndrome d'Asperger : principales caractéristiques, différences entre les hommes et les femmes, difficultés à obtenir un diagnostic… tout y est passé. J’ai ponctué cette description d’anecdotes personnelles, avec une dose d’humour et beaucoup de recul, l’idée étant de les sensibiliser à notre pain quotidien sans tomber dans le misérabilisme, et de leur démontrer que la « pratique » (ce que l’on vit et ce que l’on est) diffère de la « théorie » (description générique du syndrome).

 

L'intervention s’est très bien déroulée. Certes, j’ai failli m’évanouir deux ou trois fois par manque d’oxygène (quand je suis stressée, je suis essoufflée, et j’ai beaucoup de mal à parler!) mais mis à part ça, tout s'est bien passé. Les étudiants ont même rigolé à mes blagues, c’est dire ! Quelques questions intéressantes et bienveillantes ont été posées à la fin de mon intervention, auxquelles j’ai répondu avec grand plaisir :

 

- Qu’est-ce-qui t’a motivée à témoigner ?

L’envie de sensibiliser de futurs professionnels de la relation d’aide à une forme d’autisme méconnue, éloignée des idées préconçues que l’on peut avoir. L’envie aussi de dédramatiser, et de faire passer un message de tolérance et d’acceptation !

 

- Que pouvons-nous faire, nous neurotypiques, pour faciliter la communication ?

Allez droit au but quand vous parlez. (j’aurais sans doute pu développer plus, mais sur le coup j’ai manqué d’inspiration !)

 

- Quand vous êtes entre vous (sous-entendu entre autistes Asperger), la communication n’est-elle pas plus fluide ?

OUI, oh que oui ! Car nous sommes sur le même mode de communication.

 

- Où as-tu obtenu ton diagnostic ?

Pré-diagnostic chez le Dr Tuffreau à Vertou + diagnostic au Centre de Ressources Autisme de St Herblain où j’ai passé 3 jours de tests divers et variés (test de psychomotricité, test d’intelligence, test ADOS, entretien avec un éducateur spécialisé)

 

- N’y a-t-il pas d’importants délais d’attente au CRA ?

OUI. Cela varie d’un CRA à l’autre, mais entre la première prise de contact et la restitution du diagnostic, certains attendent plus d’un an…

 

- Quel est ton projet professionnel ?

Je ne sais pas encore… Soit m’orienter vers la psychologie clinique en me spécialisant dans l’autisme, soit m’orienter vers la recherche via un doctorat.

 

A la fin de ma présentation, l’amphi était déjà quasiment vide, j’avais fini de ramasser mes petites affaires, quand une étudiante est venue me parler.

 

Nous l’appellerons Justine.

 

Justine s’est excusée de venir me parler comme ça, de venir me « déranger ». Elle était émue, les larmes aux yeux. Moi, encore sous le choc de la décharge d'adrénaline que je venais de vivre. Justine m’a expliqué s'être reconnue dans ma description du SA au féminin. Elle m’a dit avoir fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, avoir reçu divers diagnostics qui ne « collaient jamais vraiment ». On lui aurait parlé d’un « noyau autistique » sans lui donner plus de détails. Récemment, un diagnostic de douance a été posé : Justine, en plus d’être probablement autiste Asperger, est surdouée, ce qui complique d’autant plus les choses.

Car, voyez-vous, une femme aspie surdouée va :

 

1°) Compenser beaucoup mieux ses difficultés grâce à ses facultés cognitives. Elle mettra en place des stratégies d’adaptation très efficaces pour passer inaperçue : l’illusion est parfaite.

 

2°) Présenter des problèmes d’hypersensorialité, d’hypersensibilité ainsi que des difficultés à établir des liens sociaux, ce que le diagnostic de « douance » explique parfaitement (bon nombre de surdoués font effectivement face à ces difficultés). Il occulte donc le diagnostic d’autisme, alors que l’un n’empêche pas l’autre. C’est en quelque sorte l’arbre qui cache la forêt.

 

Justine m’a expliqué avoir connu des épisodes anorexiques : rien de surprenant, Tony Attwood estime entre 18% et 23% le nombre d’adolescentes anorexiques qui présenteraient des caractéristiques du SA*. Elle s’est documentée sur le syndrome d’Asperger mais ne s’est jamais vraiment reconnue dans les descriptions théoriques, ce qui est normal, puisque comme je l'ai expliqué dans l'article Aspergirls, ces descriptions sont issues de l’étude de cas cliniques masculins!

Bref, Justine va mal, Justine est en souffrance, et personne n’a su être à la hauteur pour poser un diagnostic correct. Je lui ai donné le numéro du Dr Tuffreau ainsi que le mien, en lui proposant de la mettre en relation avec des jeunes femmes qui, comme elle, sont autistes Asperger ET surdouées.

A ce jour, je n’ai pas eu de retour de sa part, je pense très souvent à elle. J’espère de tout cœur qu’elle va bien, et qu’elle finira par me contacter.

 

Justine, c’est l’histoire de vie chaotique de bon nombre de femmes Asperger qui ne sont diagnostiquées que très tard à l’âge adulte (quand elles le sont !). Justine, c’est aussi l’histoire d’Adeline, de Caroline, de Christelle, de Magali… De toutes ces femmes formidables que j’admire beaucoup et qui se sont battues (ou se battent encore) pour obtenir un diagnostic. Je pense tout particulièrement à Marie, qui s'est vue refuser un diagnostic complet au CRA par la psychiatre du Centre sous prétexte que (je cite) :

"Lors de notre entretien de plus d’une heure, il a été possible de repérer chez vous la présence des compétences socio-communicatives de bonne qualité (orientation du regard, expressions faciales en vue de communiquer, mimiques faciales et une gestuelle émotionnelle appropriées à la situation et un ajustement postural et comportemental traduisant un engagement relationnel). Votre discours utilise les aspects sociaux et pragmatiques du langage (double sens, accès à l’implicite, compréhension du sous-entendu, la présence d’expression, un usage social du langage correct). C’est la raison pour laquelle un bilan, évaluant le déficit socio-communicatif, ne parait pas justifié chez vous." 

Je ne le répèterai jamais assez : on peut être autiste Asperger ET avoir une voix vivante, être capable de contact oculaire, comprendre les sous-entendus... tout cela s'apprend! Nous nous adaptons au monde qui nous entoure, au prix de nombreux efforts (et c'est bien là que le bât blesse), mais nous nous adaptons. Fort heureusement, cette psychiatre a revu sa position après qu'une amie aspie et moi-même soyons intervenues et a finalement proposé à Marie un bilan complet...

 

 

Justine, c’est aussi mon histoire, moi qui découvrais par hasard le syndrome d’asperger en juin 2012, avant d’être officiellement diagnostiquée en mars 2013, à l’âge de 28 ans !

Que d’années gâchées, que de souffrances inutiles, que de temps perdu.

Que de colère, aussi, vis-à-vis de soi-disant professionnels que ne connaissent rien au syndrome et se trompent allègrement : «  phobie sociale », « trouble schizoïde », « bipolarité », « noyau autistique », tout y passe. Ne parlons même pas des psys frileux et mous du genou qui prétendent que poser un diagnostic « enferme dans une case » et « étiquette ».

Honte à eux.

Ce diagnostic, il libère, il est essentiel, il est vital. Il ouvre la porte à un mieux être et à une meilleure connaissance de soi. Depuis que mon diagnostic a été posé, je suis plus heureuse que je ne l’ai jamais été.

 

Je rêve qu’un jour il n’y ait plus de chemins de vie comme celui de Justine.

Je rêve que les chercheurs avancent main dans la main avec les psychologues cliniciens pour faire évoluer la description du SA.

Je rêve que les spécificités du SA au féminin soit réellement reconnues et déclinées dans les manuels de classification internationale (DSM et CIM).

Je rêve que les tests que l’on passe en France soient ENFIN adaptés au SA ("Autism-Spectrum Quotient" -Baron Cohen et collab., 2001- et "Asperger Syndrome Diagnostic Scale" -Myles, Simpson et Bock, 2000- au lieu des tests ADOS et ADI actuellement utilisés).  

 

Je rêve qu’un jour Justine, Marie, Adeline, Christelle, Caroline et toutes les autres soient diagnostiquées, que leurs difficultés soient reconnues, et qu’elles puissent enfin faire la paix avec elles-mêmes.
 

En attendant… le combat continue.

 

 

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Republic Commando - Pedro Vezini - Flickr

 

 

 

 

* http://insideperspectives.wordpress.com/personal-habits/eating/eating-disorders/

 

 

Rajout au 7 août 2013 : Marie, dont je parle dans cet article, a finalement obtenu son diagnostic en juin 2013, auprès d'un psychiatre réputé dans le monde de l'autisme...

Document à lire si vous pensez être à l'extrêmité invisible du spectre autistique

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  • : émoi émoi et moi... Le blog porte bien son nom! Il est avant tout centré sur...moi, ma petite vie, mes coups de gueule, mes envies. J'essaye d'apporter un certain éclairage sur le syndrome d'Asperger trop méconnu en France. Avec humour, toujours. // Ce blog est protégé par les droits d'auteur. Toute reproduction, diffusion, publication partielle ou totale est interdite sans l'autorisation écrite de l'auteur.

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