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13 novembre 2012 2 13 /11 /novembre /2012 18:01

 

Certains d’entre vous l’auront sans doute déjà compris : mon dernier intérêt obsessionnel en date est … (roulement de tambours) : le syndrome d’asperger ! Yeaaaaah ! Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ! Donc, ces derniers temps, je vis SA, je bois SA, je dors SA, je lis SA, je visionne SA, je respire SA. 

 

J’ai une chance inouïe car certains d’entre vous, via ce blog, me contactent pour me raconter une tranche de vie, me faire part de leurs doutes et de leurs interrogations ?, partager leur réflexion au détour d’un point virgule ; ou un cri de COLERE en majuscules, libérer une (souffrance) étouffée par deux parenthèses, nuancer une « émotion » grâce à la magie des guillemets, et ce, avec une intimité habilement créée par trois tout petits points de suspension... Je ne vous en remercierai jamais assez. Vos témoignages me touchent, me portent, et m’incitent à poursuivre mes recherches. Aujourd’hui, il est donc naturel que je me sente investie d’une mission : celle de faire connaître ce syndrome et de bousculer les idées reçues !

 

C’est ce pourquoi j’ai décidé récemment d’entrer en contact avec le directeur de la licence de la fac de psycho dans laquelle j’ai repris mes études, afin de lui demander s’il serait d’accord pour que je fasse une présentation en amphi sur le syndrome d’asperger. Je peux vous dire que 5 min avant notre rendez-vous je n’en menais pas large ! Mais heureusement, comme tout bon asperger qui se respecte, j’avais répété mon discours une bonne centaine de fois dans ma tête, ce qui m’a permis de ne pas trop balbutier malgré la pression.  Je lui ai expliqué que je voulais sensibiliser les étudiants à ce syndrome et les mettre en garde contre les erreurs de diagnostic, avec une présentation « punchy » et « fun », dans la mesure du possible. Il a été très chaleureux, a trouvé l’idée intéressante, m’a donné son feu vert pour intervenir lors d’un de ses cours au second semestre et m’a proposé de revenir vers lui pour que nous validions ensemble ma présentation. Il m’a également suggéré de contacter deux responsables du master qui pourraient être eux aussi intéressés par ma démarche, ce que j’ai fait. Je n’aurais pas pu rêver mieux, en ressortant de ce rendez-vous, j’étais sur mon petit nuage ! Merci, merci, merci !

 

J’ai donc rencontré peu de temps après les responsables du master, pour leur présenter ce même projet. Et là… patatras. On ne m’a pas fermé la porte au nez, loin de là, mais on m’a proposé de passer par la fenêtre, de nuit, et avec un collant sur la tête. Ils trouvaient mon projet intéressant, sauf qu’ils n’étaient pas très à l’aise à l’idée que je me présente en tant qu’autiste asperger…  Si je reprends leurs propos, en gros, ça donnait ça : « Pour vous préserver, il ne  vaudrait mieux pas que vous vous présentiez en tant que patiente, car cela brouille les pistes pour les étudiants et vous risqueriez d'être montrée du doigt et étiquetée. Surtout si votre objectif c’est d’aller jusqu’au master. D’autant qu’on n’est pas aux Etats-Unis ou au Canada (sous-entendu : là-bas, ils sont plus ouverts d’esprit). Il vaudrait mieux envisager de venir par le biais d'une association et de présenter le syndrome en tant que bénévole par exemple. »

« Vous devriez d’ailleurs faire un travail sur vous pour dissocier les choses. » Pour faire court, de leur point de vue de psychologue clinicien, mon intervention n’est pas déontologiquement possible si je ne prends pas soin de travestir ma véritable identité.

 

Portée par mon enthousiasme initial, je n’ai pas pipé mot, et ai continué de sourire en disant « Oui, je comprends votre point de vue ». Je suis un peu gourde, il me faut en général une bonne quinzaine de minutes (au calme, sinon c’est plus long) pour qu’une information ou un évènement inattendu trouve son chemin jusqu’à mon cerveau. Et il faut dire que leur réaction, je ne m’y attendais pas, mais alors pas du tout.

Je vous fais grâce de la cerise sur le gâteau (vous remarquerez cette sublime prétérition, je serais presque prête à me lancer en politique) : «  Mais si vous n’êtes pas diagnostiquée par le CRA, alors… vous n’êtes pas diagnostiquée ! ». Gloups, un peu plus et je m’étranglais avec ma propre salive. Je leur ai répondu (car cette question, je m’y attendais) que le Dr Tuffreau était un spécialiste, qu’un rendez-vous avait été pris au CRA sur mon initiative mais qu’il n’était pas impossible que je passe entre les mailles du filet puisque les tests ADOS et ADI utilisés ne permettent de détecter que 30% des autistes aspergers et ne sont pas du tout adaptés aux aspergirls (dixit Tony Attwood, THE specialist, le Dieu des aspergers, et australien de surcroît. L’homme parfait, quoi. - Pardon, je m’égare -.) Et je me suis empressée de préciser qu’un refus du CRA ne m’empêcherait pas d’être intimement convaincue d’être une aspergirl.

 

Et toc. Et ploc. Et tu peux ravaler ton froc.

 

Bizarrement, ils n’ont pas l’air d’avoir adhéré à mon petit discours, pourtant empreint d’une inspiration toute aspergienne.

 

Quinze minutes plus tard, dans ma voiture, je commençais à reprendre mes esprits. J’étais remontée comme un coucou. Voilà ce que je me dis avec le recul nécessaire :

 

1°) C'est tout de même triste de considérer que des étudiants en psycho, qui justement sont sensés être doués de bienveillance et d’empathie, pourraient me "montrer du doigt"! Je crois que c’est une bonne « cible » et que ce sont les mieux placés pour recevoir ce que nous aspies aurions à leur expliquer.

 

2°) Je ne suis pas une "patiente", il n'y a rien à guérir chez moi, rien à disséquer, rien à décortiquer.

 

3°) Me dire que je risque d'être étiquetée, c'est déjà une façon de m'étiqueter!

 

4°) Quelle légitimité j'ai, autre que celle d'autiste asperger, pour parler du syndrome? Aucune. A part les quelques professionnels qui sont capables de parler du syndrome en France (et qui se comptent sur les doigts d’une main), j’estime que nous sommes les mieux placés, nous les aspies, pour parler du SA ! Et je pense qu’il est tout à fait riche, pour des étudiants en psychologie, d’avoir notre point de vue à nous.

 

5°) Je me vois mal mentir et expliquer que je viens pour représenter une association, ce qui par ailleurs biaise le message que je voulais envoyer initialement, à savoir « Voyez comme je suis sympathique, il n’y a rien à changer chez moi, j’assume ma différence, bousculons ensemble les idées reçues ! ». Et puis de toutes façons, je ne sais pas mentir, je suis sûre que je ferais au moins une bonne dizaine de boulettes.

 

6°) Je ne vois pas trop quel travail de dissociation j’aurais à faire. Je suis asperger ET étudiante en psycho ET salariée ET brune ET mesurant 1m72. Tout cela fait partie de moi.

 

7°) Je crois que les français sont plus ouverts d’esprit qu’on ne le pense, ce qui pêche par contre, c’est qu’ils vénèrent le statu quo (c’est sécurisant) et qu’ils n’ont pas de couilles. Les américains et les canadiens, eux, en ont des suffisamment big pour s’exprimer, s’afficher, et remettre en question leurs pratiques.

 

8°) Et puis enfiler des collants sur la tête, ça me dit moyen, ça va me faire un nez en patate et je prends le risque d’être coursée sur tout le campus par les services de l’ordre. Ca n’est pas franchement un de mes fantasmes.

 

Je n’en veux pas à ces messieurs, ils ont voulu me préserver, et leur intention, bien qu’un peu condescendante, est louable. Ils ont eu la gentillesse de me recevoir et de me prêter une oreille attentive, ce qui est un bon début. Leur réaction est simplement intéressante parce qu’elle est le reflet de la mentalité française qui s’empresse de dissocier les « patients » des « soignants », ou plus généralement les « sachants » (les diplômés, les professionnels, les profs) des autres (les béni-oui-oui) et qui voudrait que les principaux intéressés se fassent un peu plus discrets : « Chuuuut! Les autistes, vous faites trop de grabuge là ! Nous, on sait ce qui est bon pour vous, alors circulez, il n’y a rien à voir ! ». Les autistes et parents d'autistes sont pourtant les mieux placés pour en parler et savoir ce qui est bon pour eux ou pour leurs enfants.

 

J'ai parfois franchement l'impression d'être face à une mafia, qui contrôle tout, et qui impose sa loi du silence. Ne parlons même pas du lobbying des psychanalystes! Ca me fait penser au "Parrain". En plus insidieux. 

Vous l'aurez compris : leur offre véreuse, ils peuvent l'avaler avec leur cigare, il n'est pas question pour moi d'y donner suite.

 

Offrir l’opportunité à quelqu’un comme moi de s’exprimer sur le sujet, je trouve que c’est un grand pas en avant, une invitation à l’ouverture d’esprit, à la connaissance, à la tolérance. C’est apporter une pierre à l’édifice du changement, du renouveau. 

 

Le refuser, c’est consolider un mur d’ignorance auquel bon nombre d’entre nous se heurtent encore et qui n’a causé que trop de souffrances. 

 

Donc oui, je me sens investie d’une mission, et ça n’est pas prêt de s’arrêter ! Super Pépette est dans la place ! Asperger power !

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commentaires

E
Dois-je préciser que j'ai déjà regardé deux conférences "Les autistes ont la parole"? ;)<br /> Donc je sais que ta démarche a finalement aboutit positivement.<br /> Tony Attwood est peut être le Dieu des Asperger, mais tu est l'idole des Aspies françaises, Super Pépette!!!<br /> <br /> Par contre je suis inquiète, car orientée vers le CRA Adultes de Niort et il paraît qu'ils sont très "cassants"... même avec des femmes déjà pré-diagnostiquées... c'est la réflexion "vous n'êtes pas diagnostiquée", qui me fait penser à ça...<br /> <br /> Je vis SA, je bois SA, je dors SA, je lis SA, je regarde SA, je flirt SA (j'ai essayé de vivre en couple, mais je ne peux pas), bref, je sais très bien que je suis SA.<br /> Et non, ça n'est pas sexy. J'ai eu une pu*** de fucking de vie pourrie, jusqu'ici, et je crois pas que ma vie va changer avec un diagnostic. Ce que je sais, c'est que depuis que j'ai laissé des tiers me ramener vers cette hypothèse (laissée de coté il y a 12 ans par mes soins), j'ai arrêté de "faire semblant" et j'ai une pêche d'enfer! Bon sauf quand je vois mon chéri, là je roupille... :`(
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Z
Alors là, tout à fait d'accord. (je manque de temps, je réponds donc directement au post initial et non aux réponses qui s'en suivent). <br /> <br /> Au contraire, je trouve ça beaucoup plus intéressant et judicieux que se soit une personne directement concernée par une présentation (en l'aucurence là, le fait d'être sois même asperger) qui la fasse, elle saura bien mieux quoi dire, comment le dire, et à mon avis, en dira plus par sa propre présence et son expérience que si une personne &quot;neurotypique&quot; tentais de l'expliquer avec un long discours. Je comprends vraiment pas cette forme de censure (pour c'est un peu ça, hein) si l'intention des enseignants est d'apprendre quelque chose de substanciel à leur élèves !! Qui de mieux placer sinon pour leur exprimer tout ça ? C'est désespérant... Peut être trouvera tu un endroit où on te laissera être toi même et t'exprimer librement ? Il ne faut pas baisser les bras :)
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Z
Bon, je devrais vraiment me relire avant de poster des réponses truffées de fautes xD
J
(rho, c'est long... désolée encore.... je ne me rends pas compte quand je tapote, je suis dans mon monde et je tapote très très vite).
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J
Merci à toi de briser les tabous ancrés dans la pensée populaire, et surtout bravo! pour ton parcours et ta capacité à t'assumer (en toute conscience des difficultés qui y sont liées, car en effet, si je ne m'abuse et en ne me basant que sur mon propre cas, car, si la réflexion est parfois rapide et fulgurante, elle est néanmoins intense et harassante de fatigue) avec le SA et à remettre en cause les idées préconçues liées à l'autisme. Belle évolution, belle continuation, surtout.... c'est un contenu très riche, ton blog.
S
Merci Joy et bon courage pour ta démarche!
J
Déjà félicitations pour tous tes écrits. J'écris ENORMEMENT (sauf si 161 pages A4 en arial 10 en 3 mois c'est peu), j'ai aussi un blog planqué dans un recoin du net que je partage très peu sur une plate-forme sciemment mal répertoriée et qui n'a pas vocation d'héberger des blogs au départ et me sert essentiellement de sas de décompression, car contrairement à toi j'ai encore beaucoup de mal à partager des profondes pensées exprimées légèrement, mais je me sens bien à te lire et ce post me décide à te laisser un comm', de même que ton blog (et quelques recherches) m'inclinent enfin à aller vers un CRA après quelques tests où je me suis vue située un peu en dessous de la moyenne des gens qui ne présentent pas de SA et complètement crashée très très largement en dessous des mêmes et qui m'a mis sur la piste du SA. Depuis je &quot;pointe mes tares&quot; de SA quand je me surprends en flagrant délit de réaction atypique, et surtout je m'aide +, mais voilà 13 ans que je travaille (diplômée bac + 3 à 20ans après 4 ans d'études), je passe toujours pour l'extra terrestre de service bien que j'ai des aptitudes à la sociabilité mais dont la plupart sont des jeux de compensation par l'humour ou jeux de rôles, mais comme je donne toujours d'excellents résultats j'arrive à garder mon travail chaque fois (j'ai bossé dans plus de 10 sociétés mais je ne suis pas capable de tenir plus de 2 ans demi dans le même job, et je capitule toujours à cause de la pression sociale, jamais à cause des tâches, bien qu'elles m'accablent un peu, je ne me fais jamais licencier et n'en suis pas capable, en revanche je quitte brutalement quand je n'en peux plus et je ne comprends pas comment les gens arrivent à garder un boulot des années consécutives).... Je lis ton &quot;échec&quot; sentimental, et je m'y retrouve une fois de plus, mais un an après avoir finalement réussi à dédramatiser tous les reproches de mon ex sur ma soi-disant absence d'empathie apparente et mes retards de compréhensions d'une relation de 7 ans, et me retrouver dans une relation plus récente où je me retrouve face aux mêmes incompréhensions de la part de mon copain qui ne sait pas interpréter mes réactions, je viens de trouver un boulot très valorisant et pourtant en à peine quelques jours, et bien qu'enfin on me cadre parfaitement, avec patience, tolérance et gentillesse, le SA qui me fait de + en + question m'incite tout bonnement à aller me faire évaluer pour trouver quelque chose de plus épanouissant qui en tiendrait compte, tandis que sans ça, actuellement, j'ai juste l'impression impudique de me promener nue et pleine de fragilité dans un monde hostile autant que d'être passée à côté d'un marqueur non négligeable de mon identité, je supporte de moins en moins la pression et je fatigue de plus en plus de galérer de ce manque d'épanouissement personnel.... J'ai un sourire quand tu parles de bulle et de &quot;flou artistique&quot; sur le domaine sentimental et de soulagement de reconquérir son propre espace temps que d'autres trouvent en décalage... bref j'en écris déjà trop, et j'ai déjà l'impression de me noyer dans mes difficultés de communication constantes, alors juste un Grand Merci. (et caresse à Popeye, j'ai aussi un &quot;Dûdû&quot; de compagnie et te lisant, je ne m'identifie pas, car j'ai ma propre individualité et peu de besoin d'identification à d 'autres.... mais comme souvent je préfère la compagnie des animaux, ça me rassure un peu de ne pas être la seule dans ce cas). Amitiés et encouragements.
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M
Futur psycho je ne suis pas le moins du monde étonnée par le refus de tes responsables de master. Depuis mon arrivée à l'université j'ai eu cette sensation que les troubles psychiques chez les étudiants étaient un énorme tabou. Arrivée en dernière année, là seulement les profs commencent à nous parler de &quot;nos&quot; symptômes. Et dieu sait qu'on en a, bordel.<br /> Je trouve ton blog extrêmement intéressant, très vivant, et je lirai sans doute tous tes articles avec grand plaisir.
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  • : Le blog de emoiemoietmoi
  • : émoi émoi et moi... Le blog porte bien son nom! Il est avant tout centré sur...moi, ma petite vie, mes coups de gueule, mes envies. J'essaye d'apporter un certain éclairage sur le syndrome d'Asperger trop méconnu en France. Avec humour, toujours. // Ce blog est protégé par les droits d'auteur. Toute reproduction, diffusion, publication partielle ou totale est interdite sans l'autorisation écrite de l'auteur.

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