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1 mai 2018 2 01 /05 /mai /2018 11:20

C'est avec une immense joie que je vous annonce (avec un peu de retard!) la parution de mon dernier livre : "Dans ta bulle!". J'y retrace ma dernière année de thèse et j'y dresse les portraits de 4 adultes autistes sans déficience intellectuelle. J'ai fait le choix de mélanger du savoir chaud (savoir expérientiel) et savoir froid (savoir académique). Si le ton est léger, le propos se veut résolument engagé et politique. 

Je suis très fière de ce bouquin qui pour moi est l'aboutissement de ces 6 dernières années de lutte, de réflexion et de rencontres. J'espère qu'il vous plaira!!

Merci à tous de me suivre depuis si longtemps. C'est grâce à vous que mes projets sont rendus possibles! 

Bonne lecture!

Bientôt sur votre table de nuit?
Bientôt sur votre table de nuit?
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24 mars 2016 4 24 /03 /mars /2016 16:44

Mes chers lecteurs et amis,

 

J'ai une grande nouvelle à vous annoncer : j'ai écrit une BD sur le SA qui va sortir en septembre prochain aux éditions Delcourt!!! Elle a été illustrée par la très talentueuse Mademoiselle Caroline et raconte mon parcours de vie - et à travers moi, celui de tant d'autres - avant et après diagnostic. En plus à la fin de la BD nous avons prévu un petit carnet pédagogique qui explique ce qu'est l'autisme et le SA, donc ça sera vraiment une BD UTILE!!! J'espère qu'elle permettra de donner à voir ce que nous vivons au quotidien et qu'elle contribuera à ce travail de sensibilisation qui me tient tant à coeur!

J'ai vraiment hâte d'avoir vos avis, et en attendant, voici quelques planches pour vous mettre l'eau à la bouche :

La différence invisible
La différence invisible
La différence invisible
Illustrations de la BD "La différence invisible"

Illustrations de la BD "La différence invisible"

D'ici là, je vous embrasse! Et pardonnez-moi de n'être pas très active sur le blog, j'ai beaucoup beaucoup à faire et aussi un peu moins de choses à exprimer dans le "monde virtuel" ces derniers temps.

A très vite pour de nouvelles aventures!!!

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12 mai 2015 2 12 /05 /mai /2015 12:49
Violences sexuelles ordinaires : moi aussi

Depuis mes premiers ébats, je ressens une espèce de malaise diffus à l’égard de la sexualité.  Pas à l’égard de la mienne, tout va bien – merci. Mais à l’égard de celle qui m’est proposée par mes congénères mâââles. Quelque chose m’a toujours gênée, sans que je ne parvienne à mettre le doigt sur l’origine du problème ou à verbaliser clairement mon ressenti.

 

Et puis petit à petit, en discutant avec mes amies féministes et en lisant quelques écrits sur le sujet, tout s’est éclairé. J’ai enfin compris que la domination masculine s’était insinuée jusque sous ma couette, sans que je ne m’en sois aperçue, et que la sexualité masculine pensée par et pour les hommes n’était tout simplement pas la mienne. Par sexualité masculine j’entends :

 

-Une sexualité centrée autour des rapports phallo-vaginaux. La pénétration est centrale, et tout le reste est périphérique, pour ne pas dire anecdotique. Qualifier ce qui ne relève pas de la pénétration de préliminaires est en ce sens extrêmement parlant, car cela sous-entend par opposition que la pénétration est bien le but ultime du rapport sexuel, le graal. Pourtant, il est difficile pour une femme de parvenir à l'orgasme via la pénétration simple. 

 

-Une sexualité centrée autour des désirs et fantasmes masculins. L’industrie du porno, qui s’adresse aux hommes, est ainsi riche d’enseignements. On y voit des femmes réduites au rang d’objets se faire pilonner et bifler, dans la joie et la bonne humeur. Du moins, c’est l’idée.

 

-Une sexualité centrée autour du pénis, the one & only. Ces messieurs ne semblent pas se demander grand chose d’autre à part « Où est-ce-que je vais bien pouvoir le mettre ? ». D’où les sempiternelles questions – que celles qui ne les ont jamais entendues me jettent le premier canard vibrant : « Tu suces ? » et « Tu pratiques la sodomie ? ».

 

Or, je ne suis pas un simple objet de désir, je suis avant tout sujet de mon plaisir. Je ne suis pas juste là pour faire jolie et être désirable, je suis désirante. J'ai mes envies, mes fantasmes, mes limites. 

 

Croyez-moi, cet article aux allures de règlement de compte n’en est pas un. Je n’ai rien contre vos pénis, messieurs, vous pouvez dormir sur vos deux oreillers. Mais j’ai quelque chose contre l’utilisation que vous en faites, et contre cette violence à ce point répandue et systémique qu’elle en deviendrait presque normale. Tant pour l’oppresseur que pour l’opprimé. La preuve en est : il m’a fallu 8 ans pour réaliser que j’ai moi-même été victime de viol. Mon pote C. m’a dit hier « Mais tu sais, ça n’est pas étonnant, dans l’imaginaire collectif on se représente le violeur comme un monstre qui va te sauter dessus au détour d’une impasse sombre, alors que bien souvent, le viol est perpétré dans l’intimité du lit conjugal, par un mec lambda. » Il est vrai que je n’ai pas réalisé la gravité de la chose quand mon conjoint m’a pénétrée en pleine nuit dans mon sommeil[1], pour ensuite me dire « Désolé, j’avais trop envie, tu étais super excitante ce soir. » Malaise diffus. Viol(ence) ordinaire. Partout. Tout le temps. Dans le porno, dans la culture populaire (films et séries TV), dans la vie de tous les jours. Les étreintes sont a minima bestiales a maxima imposées, mais ça n’est pas violent, naaaan, c’est torride, nuance. Combien de femmes en lisant ces lignes se diront : « Ah mais alors, moi aussi ??! ». Eh ouais meuf, toi aussi.

Viol conjugal - "Si rien ne vous choque, c'est que vous êtes l'un des deux"

Le drame de ma vie est d’être hétéro. J’aime les hommes, ils me plaisent, ils m’attirent, depuis toujours. Cela me semble naturel. Quoique… Difficile de savoir à quel point mon orientation sexuelle est naturelle dans une société qui glorifie le couple hétéro et tout ce qui va avec (enfants/maison/crédit/break/labrador). Que cette attirance soit innée ou acquise, elle est en tout cas fort dommageable, car je serais certainement une lesbienne parfaitement épanouie à l’heure qu’il est. Et les témoignages ravis de copines qui sont passées de l’autre côté de la barrière ne font que me conforter dans cette idée. Je m’interroge donc, et finirai peut-être par devenir une lesbienne construite sur les décombres d’une hétérosexualité malheureuse. Je suis déjà à l’intersection de tellement de minorités (autistevégétariennetatouée etcetc), je ne suis plus à ça près.

 

Si j’écris cet article, c’est parce qu’il me semble essentiel de faire la lumière sur ces violences sexuelles ordinaires, qui nous concernent toutes, a fortiori encore plus en tant qu’autistes. Cela fait de nous des proies idéales, parce que nous sommes naïves, bien souvent isolées et sans ressources, avec une estime de soi inexistante et un sens social ô combien défaillant. J’aimerais que les jeunes aspies soient mieux armées pour affronter le monde qui les entoure, et si mon témoignage peut les y aider, tant mieux.

Et puis c’est dans ma nature d’ouvrir ma grande gueule et de bousculer l’ordre établi, semble-t-il.  

Quant à ces messieurs, s'ils pouvaient être amenés à se questionner sur leur vision de la sexualité, nous aurions tout gagné. J'y crois. 

 

 

 

Nota : Les hommes ayant envie de commenter à coups de complaintes larmoyantes ou de « mais ça serait trop dommage que tu deviennes lesbienne blablabla » sont priés de s’abstenir. 

 

Nota 2 : Je ne souhaite pas dans cet article nier les victimes masculines (ou toutes autres victimes invisibilisées - dont trans) et les assimiler par défaut à leurs agresseurs. On me l'a fait remarquer suite à la publication de l'article, et c'est tout à fait vrai. 

 

[1] « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol. » Article 222.23 du Code pénal.

Une excellente vidéo sur le consentement

Le clitoris, cet inconnu

Et la formidable Solange nous parle du pénis : écoutez-la!

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3 juin 2013 1 03 /06 /juin /2013 20:05

En janvier dernier j’ai été évaluée par le Centre de Ressources Autisme* de ma région pour confirmer (ou pas) le diagnostic du Dr Tuffreau dont je parle ici. Il était temps que je vous raconte tout ça!


J’ai passé différents tests : un test psychomoteur, un test d’intelligence (WAIS IV), l’ADOS (test spécifique à l’autisme), et un entretien avec un éducateur spécialisé pour évaluer mon degré d’autonomie dans différents domaines. J’ai été filmée pour le test psychomoteur et pour l’ADOS, après avoir donné mon autorisation.

Une remarque cependant : les tests varient d’un CRA à l’autre. Certains CRA font même passer le test de Rorschach. Mais si, mais si! Vous connaissez! Ce sont ces planches faites de tâches d’encre que l’on est censés interpréter.


« - Que voyez-vous ?

- Un papillon

- Et là ?

- Un papillon

- Et sur celle-ci ?

- Un papillon

- Hmmm. Vous êtes schizophrène. Ca fera 100 euros. Bonne journée, bisous. »

 

 rorschach.jpg

 

 

J’ai eu beaucoup de chance car dans ce CRA les personnes sont vraiment adorables, toutes sans exception, j’ai été très bien accueillie et mise en confiance dès le début.  

J’étais évidemment particulièrement stressée, surtout pour le test d’intelligence car j’avais vraiment peur de ne pas savoir répondre aux questions, de perdre mes moyens et d’obtenir un QI en dessous de la moyenne, ce qui n’aurait pas été très flatteur vous en conviendrez.

 

TEST D'INTELLIGENCE

 

 

La WAIS est constituée de quatre items évalués par différentes tâches dont vous trouverez des exemples entre parenthèses :


- Indice de compréhension verbale (définir des mots ; trouver le point commun entre deux mots ; répondre à des questions de culture générale)

- Indice de raisonnement perceptif (reconstituer des dessins avec des formes géométriques ; trouver l’élément parmi différentes propositions qui complète une série logique)

- Indice de mémoire de travail (répéter une liste de chiffres énoncés dans l’ordre puis sur de nouveaux items en ordre inversé)

- Indice de vitesse de traitement  (copier les symboles associés à des chiffres sur la feuille de réponse, le plus rapidement possible pendant un temps limité)

 

Mes résultats sont hétérogènes, entre les items et au sein même des items, ce qui ne permet pas de calculer un QI global, comme c’est le cas pour de nombreux aspies. Vous pourrez voir sur le graphique que j’ai obtenu à l’indice de raisonnement perceptif un score inférieur aux autres.

 

 QI-copie-1.jpg

Pardon c'est tout de traviole je l'ai mal scanné!

 

 

Lors du test j’ai eu l’impression d’avoir complètement raté les tâches de culture générale et de résolution de problèmes arithmétiques alors que j’obtiens finalement des résultats dans la moyenne. J’ai particulièrement bien réussi les épreuves évaluant la mémoire de travail (je suis capable de répéter dans l’ordre jusqu’à 9 chiffres, et à l’envers jusqu’à 8 chiffres, ce qui est très supérieur à la moyenne, mais j’ai un petit truc : je visualise les chiffres dans ma tête et je les manipule). Je suis également bien au-dessus de la moyenne pour l’indice de vitesse de traitement, ce qui ne m’a pas étonnée car j’ai toujours été très productive, je ne sais d’ailleurs pas faire autrement (je suis très « speed » par nature).  

Dans l’ensemble, je ne m’en sors donc pas si mal que ça ! Alleluia !

 

TEST PSYCHOMOTEUR

 

 

Au niveau psychomoteur, j’ai passé le test Lincoln – Oseretsky et la FCR-A. J’ai dû réaliser différentes tâches de motricité fine et motricité globale (marcher à reculons, rester en équilibre sur la pointe des pieds, mettre des pièces dans une boîte, enrouler du fil, découper des cercles etc). Il en ressort que j’ai des particularités notables dans plusieurs domaines, je recopie ce qui a été noté sur le compte-rendu :

 

«Sensibilité tactile : irritabilités tactiles probables, réagit émotionnellement au fait d’être touchée

Filtrage auditif : hautement parasitée par les bruits (même faibles) alentours ; défaut de modulation auditive, tendance à percevoir en « tout ou rien »

Sensibilité visuelle et auditive : regard happé par les déplacements alentours ; réagit émotionnellement aux bruits soudains» 

 

J’ai complètement raté les tâches de « motricité manuelle avec précision » et de « motricité manuelle avec vitesse d’exécution » : j’ai apparemment besoin d’une certaine lenteur pour assurer la précision de mon geste. Au niveau de l’organisation posturale je présente une « fatigabilité posturale invalidante ». Pour le dire plus simplement : j’ai du mal à tenir une posture dans le temps, par exemple quand je suis debout je vais avoir tendance à m'appuyer contre un mur. 

Il ressort aussi que j’ai des difficultés à m’orienter dans l’espace… ce qui n’est pas une surprise ! Mon GPS est mon meilleur ami, je suis INCAPABLE de m'orienter dans l'espace ou de lire un plan, j’aurais plus vite fait de faire voler un tapis marocain que de déchiffrer un plan. La psychomotricienne a d’ailleurs remarqué que je m’appuyais sur un repère corporel pour distinguer ma droite de ma gauche (je faisais apparemment un geste discret d’un bras à chaque question, ce dont je n’avais même pas conscience!)

 

ADOS 

 

 

L’ADOS est un entretien semi-directif mené par un(e) psychologue. La psychologue m’a posé des questions sur mon parcours, mes difficultés, mon entourage, mes passions etc. Ce fut le test le plus douloureux pour moi, car il a fallu me montrer telle que je suis et faire part de mes incapacités, alors que je travaille chaque jour à les cacher et les minimiser. J'ai passé les 3/4 du temps à sangloter misérablement et le 1/4 restant à me dire que j'étais vraiment une sous-merde (vous me passerez l'expression). Cela a été très éprouvant moralement. 

Elle a noté que j’utilisais des gestes descriptifs mais que les gestes empathiques ou émotionnels étaient moins présents. Les éléments cliniques les plus notables sont les suivants :

   

«- Difficultés à établir de façon innée des relations adaptées avec ses pairs

- Préoccupations circonscrites à un ou plusieurs centres d’intérêts spécifiques

- Adhésion apparemment inflexible à des habitudes ou à des rituels spécifiques et non fonctionnels

- Particularités qui entraînent une altération cliniquement significative du fonctionnement social, professionnel, ou dans d’autres domaines importants

- Une conscience élevée des difficultés rencontrées et une capacité à les exprimer, les expliciter»

 

   

ENTRETIEN AVEC L'EDUCATEUR SPECIALISE 

 

L’entretien avec l’éducateur spécialisé se présente sous la même forme, avec des questions plus spécifiques : l’éducateur a cherché à savoir si et comment je payais mes factures, gérais mes comptes, mes courses, mon ménage, mes relations, mes rendez-vous médicaux etc. Heureusement je m'en sors plutôt bien! Ce n'est pas le point qui pose le plus de problèmes.

 

CONCLUSION 

 

 

Je copie-colle ci-dessous la conclusion générale du rapport du CRA :

 

conclusion-cra-copie-4.jpg

 

Voilà voilà, je suis officiellement autiste Asperger! J'ai été soulagée de constater que ma fatigue constante s'expliquait en fait parfaitement.

Avant le diagnostic j'avais une image de moi très négative, je me voyais comme une jeune femme faible et fragile qui galérait pour s'en sortir, aujourd'hui je me vois comme une autiste qui s'est battue toute sa vie et qui se bat encore, forte et volontaire. Depuis ce diagnostic je me sens LIBRE, je me sens comme ça :

 

 

 

                             I'm free! Tout pareil, les paillettes en moins
(je ne sais pas pour vous, mais moi je pleure à chaque fois que j'entends cette chanson)

 

 

Encore une fois, j'invite toutes celles (et ceux!) qui ont un doute à faire les démarches nécessaires pour obtenir un diagnostic, il est vital.

 

Et je précise pour les non-autistes et les non-initiés que mon handicap est invisible, ce qui signifie que malgré tous ces éléments cliniques criants vous ne pourriez rien soupçonner si votre route croisait la mienne. Tout au plus diriez-vous de moi que je suis bizarre, froide, hautaine ou pimbêche, mais jamais oh grand jamais vous ne pourriez deviner que je suis autiste.

On parie?

 

 

 

*Vous trouverez la liste des CRA et leurs coordonnées ici

 


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10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 18:30

Je suis intervenue récemment dans l’amphi de la fac de psycho auprès des étudiants de 3è année pour leur présenter le syndrome d'Asperger : principales caractéristiques, différences entre les hommes et les femmes, difficultés à obtenir un diagnostic… tout y est passé. J’ai ponctué cette description d’anecdotes personnelles, avec une dose d’humour et beaucoup de recul, l’idée étant de les sensibiliser à notre pain quotidien sans tomber dans le misérabilisme, et de leur démontrer que la « pratique » (ce que l’on vit et ce que l’on est) diffère de la « théorie » (description générique du syndrome).

 

L'intervention s’est très bien déroulée. Certes, j’ai failli m’évanouir deux ou trois fois par manque d’oxygène (quand je suis stressée, je suis essoufflée, et j’ai beaucoup de mal à parler!) mais mis à part ça, tout s'est bien passé. Les étudiants ont même rigolé à mes blagues, c’est dire ! Quelques questions intéressantes et bienveillantes ont été posées à la fin de mon intervention, auxquelles j’ai répondu avec grand plaisir :

 

- Qu’est-ce-qui t’a motivée à témoigner ?

L’envie de sensibiliser de futurs professionnels de la relation d’aide à une forme d’autisme méconnue, éloignée des idées préconçues que l’on peut avoir. L’envie aussi de dédramatiser, et de faire passer un message de tolérance et d’acceptation !

 

- Que pouvons-nous faire, nous neurotypiques, pour faciliter la communication ?

Allez droit au but quand vous parlez. (j’aurais sans doute pu développer plus, mais sur le coup j’ai manqué d’inspiration !)

 

- Quand vous êtes entre vous (sous-entendu entre autistes Asperger), la communication n’est-elle pas plus fluide ?

OUI, oh que oui ! Car nous sommes sur le même mode de communication.

 

- Où as-tu obtenu ton diagnostic ?

Pré-diagnostic chez le Dr Tuffreau à Vertou + diagnostic au Centre de Ressources Autisme de St Herblain où j’ai passé 3 jours de tests divers et variés (test de psychomotricité, test d’intelligence, test ADOS, entretien avec un éducateur spécialisé)

 

- N’y a-t-il pas d’importants délais d’attente au CRA ?

OUI. Cela varie d’un CRA à l’autre, mais entre la première prise de contact et la restitution du diagnostic, certains attendent plus d’un an…

 

- Quel est ton projet professionnel ?

Je ne sais pas encore… Soit m’orienter vers la psychologie clinique en me spécialisant dans l’autisme, soit m’orienter vers la recherche via un doctorat.

 

A la fin de ma présentation, l’amphi était déjà quasiment vide, j’avais fini de ramasser mes petites affaires, quand une étudiante est venue me parler.

 

Nous l’appellerons Justine.

 

Justine s’est excusée de venir me parler comme ça, de venir me « déranger ». Elle était émue, les larmes aux yeux. Moi, encore sous le choc de la décharge d'adrénaline que je venais de vivre. Justine m’a expliqué s'être reconnue dans ma description du SA au féminin. Elle m’a dit avoir fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, avoir reçu divers diagnostics qui ne « collaient jamais vraiment ». On lui aurait parlé d’un « noyau autistique » sans lui donner plus de détails. Récemment, un diagnostic de douance a été posé : Justine, en plus d’être probablement autiste Asperger, est surdouée, ce qui complique d’autant plus les choses.

Car, voyez-vous, une femme aspie surdouée va :

 

1°) Compenser beaucoup mieux ses difficultés grâce à ses facultés cognitives. Elle mettra en place des stratégies d’adaptation très efficaces pour passer inaperçue : l’illusion est parfaite.

 

2°) Présenter des problèmes d’hypersensorialité, d’hypersensibilité ainsi que des difficultés à établir des liens sociaux, ce que le diagnostic de « douance » explique parfaitement (bon nombre de surdoués font effectivement face à ces difficultés). Il occulte donc le diagnostic d’autisme, alors que l’un n’empêche pas l’autre. C’est en quelque sorte l’arbre qui cache la forêt.

 

Justine m’a expliqué avoir connu des épisodes anorexiques : rien de surprenant, Tony Attwood estime entre 18% et 23% le nombre d’adolescentes anorexiques qui présenteraient des caractéristiques du SA*. Elle s’est documentée sur le syndrome d’Asperger mais ne s’est jamais vraiment reconnue dans les descriptions théoriques, ce qui est normal, puisque comme je l'ai expliqué dans l'article Aspergirls, ces descriptions sont issues de l’étude de cas cliniques masculins!

Bref, Justine va mal, Justine est en souffrance, et personne n’a su être à la hauteur pour poser un diagnostic correct. Je lui ai donné le numéro du Dr Tuffreau ainsi que le mien, en lui proposant de la mettre en relation avec des jeunes femmes qui, comme elle, sont autistes Asperger ET surdouées.

A ce jour, je n’ai pas eu de retour de sa part, je pense très souvent à elle. J’espère de tout cœur qu’elle va bien, et qu’elle finira par me contacter.

 

Justine, c’est l’histoire de vie chaotique de bon nombre de femmes Asperger qui ne sont diagnostiquées que très tard à l’âge adulte (quand elles le sont !). Justine, c’est aussi l’histoire d’Adeline, de Caroline, de Christelle, de Magali… De toutes ces femmes formidables que j’admire beaucoup et qui se sont battues (ou se battent encore) pour obtenir un diagnostic. Je pense tout particulièrement à Marie, qui s'est vue refuser un diagnostic complet au CRA par la psychiatre du Centre sous prétexte que (je cite) :

"Lors de notre entretien de plus d’une heure, il a été possible de repérer chez vous la présence des compétences socio-communicatives de bonne qualité (orientation du regard, expressions faciales en vue de communiquer, mimiques faciales et une gestuelle émotionnelle appropriées à la situation et un ajustement postural et comportemental traduisant un engagement relationnel). Votre discours utilise les aspects sociaux et pragmatiques du langage (double sens, accès à l’implicite, compréhension du sous-entendu, la présence d’expression, un usage social du langage correct). C’est la raison pour laquelle un bilan, évaluant le déficit socio-communicatif, ne parait pas justifié chez vous." 

Je ne le répèterai jamais assez : on peut être autiste Asperger ET avoir une voix vivante, être capable de contact oculaire, comprendre les sous-entendus... tout cela s'apprend! Nous nous adaptons au monde qui nous entoure, au prix de nombreux efforts (et c'est bien là que le bât blesse), mais nous nous adaptons. Fort heureusement, cette psychiatre a revu sa position après qu'une amie aspie et moi-même soyons intervenues et a finalement proposé à Marie un bilan complet...

 

 

Justine, c’est aussi mon histoire, moi qui découvrais par hasard le syndrome d’asperger en juin 2012, avant d’être officiellement diagnostiquée en mars 2013, à l’âge de 28 ans !

Que d’années gâchées, que de souffrances inutiles, que de temps perdu.

Que de colère, aussi, vis-à-vis de soi-disant professionnels que ne connaissent rien au syndrome et se trompent allègrement : «  phobie sociale », « trouble schizoïde », « bipolarité », « noyau autistique », tout y passe. Ne parlons même pas des psys frileux et mous du genou qui prétendent que poser un diagnostic « enferme dans une case » et « étiquette ».

Honte à eux.

Ce diagnostic, il libère, il est essentiel, il est vital. Il ouvre la porte à un mieux être et à une meilleure connaissance de soi. Depuis que mon diagnostic a été posé, je suis plus heureuse que je ne l’ai jamais été.

 

Je rêve qu’un jour il n’y ait plus de chemins de vie comme celui de Justine.

Je rêve que les chercheurs avancent main dans la main avec les psychologues cliniciens pour faire évoluer la description du SA.

Je rêve que les spécificités du SA au féminin soit réellement reconnues et déclinées dans les manuels de classification internationale (DSM et CIM).

Je rêve que les tests que l’on passe en France soient ENFIN adaptés au SA ("Autism-Spectrum Quotient" -Baron Cohen et collab., 2001- et "Asperger Syndrome Diagnostic Scale" -Myles, Simpson et Bock, 2000- au lieu des tests ADOS et ADI actuellement utilisés).  

 

Je rêve qu’un jour Justine, Marie, Adeline, Christelle, Caroline et toutes les autres soient diagnostiquées, que leurs difficultés soient reconnues, et qu’elles puissent enfin faire la paix avec elles-mêmes.
 

En attendant… le combat continue.

 

 

  8624055799_ab946d2c8c.jpg

 

Republic Commando - Pedro Vezini - Flickr

 

 

 

 

* http://insideperspectives.wordpress.com/personal-habits/eating/eating-disorders/

 

 

Rajout au 7 août 2013 : Marie, dont je parle dans cet article, a finalement obtenu son diagnostic en juin 2013, auprès d'un psychiatre réputé dans le monde de l'autisme...

Document à lire si vous pensez être à l'extrêmité invisible du spectre autistique

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 18:01

En voilà un sujet passionnant sur lequel je pourrais débattre toute seule pendant des heures! Tout juste séparée de mon conjoint, je peux vous dire que la vie à deux en étant aspie, c’est LE défi ultime, un peu comme vouloir courir un marathon quand on est unijambiste. Résultat des courses : je me suis cassé la figure.

 

Je ne peux pas vous dire à quel point le syndrome a contribué à l’échec de notre relation… Mais il est certain que cela ne nous a pas aidés. Nous étions ensemble depuis presque 3 ans, et je n’ai été diagnostiquée qu’en juillet dernier. L’explication à mes bizarreries est arrivée sans doute trop tard. J’ai bien conscience que ses amis et sa famille étaient, dans leur grande majorité, convaincus que je n’étais pas la bonne personne pour lui : trop en retrait, pas assez sociable, trop pleine de tocs (ben oui le sable j’aime pas vraiment ça, j’y peux rien), trop-trop-trop, pas assez-pas assez-pas assez. A tel point que j’ai appris récemment que la cousine de mon ex-conjoint, que je n’ai vue que deux fois dans ma vie, a trouvé la moyen de dire à ma sœur, qu’elle n’a elle aussi vue que deux fois dans sa vie : « La meilleure chose qui pourrait arriver à mon cousin, ça serait que lui et Pépette se séparent ». Aouch. Merci pour cet input tout à fait intéressant, argumenté et constructif. En même temps, sans vouloir faire ma Cosette, je commence à avoir l’habitude de ce genre de jugements hâtifs…

 

Mon avenir amoureux, je le vois comme un grand flou artistique. C’est déjà compliqué pour les neurotypiques de trouver chaussure à leur pied, alors pour quelqu’un comme moi…

Qui saura m’accepter comme je suis ? Mieux encore : Qui saura m’accepter comme je suis et me « défendre » auprès de ceux qui se feront un plaisir de me critiquer ? Car en ne disant rien, on ne fait qu’alimenter les rumeurs. Je rêve d’un homme qui puisse rétorquer : « Pépette elle est dans son monde, mais elle est surtout formidable, je l’aime comme elle est, et si tu prends la peine de la connaître tu l’apprécieras aussi ». Sans vouloir être vulgaire, cela suppose déjà d’en avoir une sacrée paire !

 

Comment aborder la rencontre ? A quel moment parler du syndrome ? Dès le 1er rendez-vous ? (Ou lors de la nuit de noces : j’aurai déjà la bague au doigt il ne pourra plus faire marche arrière ! Jajajaja rire démoniaque) Je l’imagine déjà partir en courant quand il découvrira que :

- je ne pourrai jamais dormir dans le même lit que lui

- j’ai « quelques » difficultés à m’imaginer être mère un jour,

- je ne dors que dans le noir complet avec des boules quiès : mon sommeil est SACRE (il faudra qu’il ait conscience que si jamais il fait grincer le parquet en se levant le matin, il prend le risque d’être défenestré par une espèce de zombie)

- je ne mange pas de gluten/viande/lait de vache/oignon/ail/poireaux,

- j’ai des grosses périodes de décompensation,

- mes animaux me sont plus proches que la plupart des humains,

- je suis une control freak…

Qui voudrait d’une emmerdeuse pareille, franchement ?! Alors certes, j’ai aussi de belles qualités, mais n’empêche, je ne suis pas facile à « assumer ».

 

Aurai-je un jour de nouveau l’envie de retenter l’expérience de la vie à deux ? Rien n’est moins sûr. Je trouve cela très exigeant et très fatigant… Depuis notre séparation, je dirais que c’est un des points les plus positifs : je suis très soulagée d’être seule chez moi et de pouvoir gérer mon espace (-temps) comme je le souhaite. C’est un vrai bonheur.

 

Je reste positive tout de même. Je me dis que quelqu’un doit bien m’attendre quelque part : LA bonne personne, qui saura me donner des ailes, être présente pour moi, apprécier mes innombrables défauts qualités. Je me suis d'ailleurs amusée à élaborer un questionnaire de mon cru pour m’assurer que cette fois-ci, ce sera le bon. Je peux vous assurer que celui qui répondra « non » à la majorité de ces questions, je l’enchaîne à mon radiateur et je ne le laisse plus jamais repartir !

 

 

 

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PS : Je conseille vivement aux hommes qui ont une compagne asperger de lire l'excellent livre de Rudy Simone (et oui, envore elle!) "22 things a woman with asperger wants her partner to know"

Trouver son âme soeur en étant une aspergirl
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Présentation

  • : Le blog de emoiemoietmoi
  • : émoi émoi et moi... Le blog porte bien son nom! Il est avant tout centré sur...moi, ma petite vie, mes coups de gueule, mes envies. J'essaye d'apporter un certain éclairage sur le syndrome d'Asperger trop méconnu en France. Avec humour, toujours. // Ce blog est protégé par les droits d'auteur. Toute reproduction, diffusion, publication partielle ou totale est interdite sans l'autorisation écrite de l'auteur.

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