Doser, alimenter, huiler, réparer, minuter, calibrer… je me gère comme on gère une machine*, pour éviter tout risque de surchauffe. Et je veille à alimenter avec soin mon réservoir d’énergie, pour ne pas tomber en panne.
Les règles sont simples :
1°) Pour éviter la surchauffe, je dois limiter les évènements sociaux, et me préserver des éventuelles surcharges sensorielles.
J’ai rendez-vous avec une amie entre midi et deux ? J’ai cours toute la journée ? Je ne prévois rien pour le soir-même, et prendrai grand soin de me faire lobotomiser par ma télé pour décompenser (formidable invention que la télévision, le seul outil qui me permette de mettre mon cerveau en veille). J’ai une soirée samedi soir ? Je me préserve tout le reste de la semaine, j’irai le jour J uniquement si je suis suffisamment en forme (je ne peux jamais le savoir à l’avance, c’est toujours la surprise, yey !) et je n’y resterai pas plus de 2h. Si c’est dans un endroit que je ne connais pas, cela complique un peu plus les choses : n’ayant pas encore de repères, je ne peux pas me projeter sereinement, j’anticipe donc anxieusement l’évènement en question, ce qui diminue mes chances d’avoir le courage d’y aller le jour même. Si en plus je ne connais pas les personnes invitées… on va dire qu’il y a 99,9% de chances pour que je n’y aille pas du tout !! Il ne faut pas non plus pousser mémé dans les orties.
Je dois passer chez ma sœur ? Hmmm. Ça, c’est un challenge. Avec les 3 enfants qui hurlent et qui courent partout, mon seuil de tolérance est très vite dépassé. Le bruit est mon pire ennemi, il me donnerait presque envie de me défenestrer. Bon, je ne risque pas grand-chose, ils sont au RDC, mais quand même ! Dans ma vie de tous les jours, je privilégie le calme et le silence.
Le dimanche est nécessairement une journée OFF pendant laquelle je ne verrai personne. Une sortie sociale par semaine c’est le grand maximum, et pas plus de 2 fois par mois, tout dépend des circonstances.
J’ai l’habitude de planifier ainsi toutes mes semaines, et de maîtriser mon environnement, depuis toujours. Je le faisais déjà avant même d’avoir un diagnostic. C’est une habitude qui pourrait sembler contraignante : il n’en est rien. Je le fais naturellement, sans presque y penser. Tout est une question de dosage.
2°) Pour alimenter mon réservoir d’énergie, je dois surtout surveiller mon alimentation et mon sommeil
10h de sommeil par nuit sont nécessaires pour pouvoir « fonctionner », et idéalement 12h le week-end. Mon sommeil est sacré, si je suis trop fatiguée je n’ai plus aucun contrôle sur mes émotions. Depuis que je prends de la mélatonine, les choses se sont nettement améliorées, mais j’ai encore régulièrement des réveils nocturnes. J’ai un petit truc pour m’aider : une peluche toute douce, prénommée Marcel, dont le contact m’apaise et qui m’aide à retrouver les bras de Bradley Cooper Morphée. (Petite parenthèse sur Bradley : est-ce-que vous croyez que c'est réellement possible d'être AUSSI beau?? A chaque fois que je le vois, je vous jure que ça me pique les yeux. Je pense que cet homme-là n'est pas humain. Fin de la parenthèse, à vos commentaires.)
Voici Marcel. Il est tout chiffonné là parce qu'il a mal dormi
Et voici Bradley. AH!! Vous voyez que ça vous pique les yeux! Qu'est-ce-que j'avais dit?!
Mon alimentation doit être rigoureuse : rien de préparé, de trop gras, rien qui ne contienne de la viande (pesco-végétarienne convaincue depuis 6 ans), du lait de vache, du gluten, de l’ail, de l’oignon, des poireaux… Ma digestion est capricieuse, il faut en tenir compte. J'ai une très nette préférence pour le sucré, mais je lutte ardemment pour ne pas me nourrir exclusivement de tarines au miel! J’essaye de manger des légumes et fruits frais, des protéines (soja, poisson, œufs, quinoa), et quelques légumineuses (lentilles surtout, pour le fer). J’ai tendance à tourner en rond et me préparer toujours les mêmes repas, je pars donc parfois à la recherche d’une nouvelle recette, mais c’est assez rare. Comme tout bon aspie qui se respecte, j’ai(me) mes petites habitudes.
J'ai remarqué également que j'étais trèèès sensible à l'ensoleillement, cela joue énormément sur mon moral et mon état de forme. Dès
que le soleil daigne pointer le bout de son nez, j'essaye donc d'en profiter au maximum, et j'en ressors revivifiée.
Il faut prendre garde à un éventuel cercle vicieux : dès que je suis trop fatiguée, je traîne la patte pour me faire correctement à manger. En m’alimentant moins bien mon réservoir d’énergie se vide encore plus, je broie du noir, j'erre comme une âme en peine, je dors moins bien… Je suis encore plus fatiguée, je me mets au régime Chocapic, je passe encore plus de temps devant la télé, je me trouve nulle, je pleure sans raison, je ne vois plus la lumière du jour, je me pose encore plus de questions que d’habitude (c'est dire), et n’importe quel évènement est un micro-drame (non mais POURQUOI cette crotte de chien est venue se coller contre la semelle de ma basket ??? Pourquoi moi ?! Bouuuuu)…
... et je m’épuise, je m’épuise, je m’épuise.
J’ai dans ces cas-là intérêt à vite resserrer les boulons et privilégier des temps de pause et de repos pour parvenir à remonter la pente et éviter que la machine ne déraille !
Au fil du temps, j’apprends à mieux me respecter et à mieux vivre avec le syndrome. C’est une vigilance de tous les instants, nécessaire, salvatrice, qui me permet de ne pas subir ma vie et de donner tort à cette magnifique citation de Gandhi : "La machine a gagné l’homme, l’homme s’est fait machine, fonctionne et ne vit plus".
Car fonctionner correctement me permet de vivre, pleinement.
Nathan Tew - "The traveling man sculpture in Deep Ellum Tx" - Flickr
* Est-il possible de vous demander de visualiser une Ferrari plutôt qu'une Clio? Tant qu'à faire!
Merci à toi, lecteur de mon coeur